« J’ai fait 3 étapes en 1973-74, la première sur Critère et les deux suivantes sur Pen Duick 6. »
Comment avez-vous vécu la première Whitbread 1973-74 ?
La première course autour du monde, ce n’était pas une course, c’était une découverte, une aventure, c’était tout ce que vous voulez quoi…
La deuxième course autour du monde sur Neptune, on avait 100 bouteilles de vin rouge par étape ! On jouait de la guitare ! On avait même créé un comité de lecture qui avait donné 10 bouquins par mec à bord !
Pourriez-vous nous décrire l’atmosphère à bord ?
Et bien c’était une découverte totale, il y avait une flotte complètement hétéroclite, à savoir, qu’il y avait des vieux bateaux en bois, il y avait deux bateaux neufs qui avaient été faits pour la course (dont Pen Duick 6), il y avait des bateaux de série, dont Aventure qui a gagné. Il y avait des Swan 62.. enfin c’était vraiment un truc totalement hétéroclite dans une aventure plus qu’une course. C’était une découverte d’un univers maritime, tout le monde était là bénévolement, il n’y avait aucune captation financière au niveau des bateaux, ni des équipages.
Chaque bateau était une histoire complètement folle dans laquelle il n’y avait aucun professionnalisme entre guillemets telle qu’est devenue la course autour du monde aujourd’hui.
Pourriez-vous nous parler du bateau Neptune, et d’ou vient ce projet ?
Alors Neptune c’est la deuxième course autour du monde. L’histoire commence lors des deux étapes Cape Town – Sidney, et Sidney – Rio sur Pen Duick 6 [en 1973-74].
D’abord je suis le plus vieux à bord de Pen Duick 6 avec Éric Tabarly. Je ne l’ai jamais rencontré avant. Je suis photographe, donc je l’ai bien entendu photographié parce que je travaille dans des revues nautiques, et c’est par l’intermédiaire du journal Neptune Nautisme que j’embarque pour remplacer deux équipiers qui ont été virés à Rio, quand il a démâté et qu’il a changé son mât.
J’apprends que j’embarque à Rio deux jours avant le départ de la deuxième étape, et je découvre un équipage incroyable, qui est le reflet de la façon dont Éric gère ses marins. Le premier qui se présente embarque !
À bord, il y a un équipage de bric et de broc de gens forts sympathiques, mis à part Olivier de Kersauson qui navigue avec Éric depuis Pen Duick 3.
Les autres ont soumis leur candidature pour un embarquement sur Pen Duick 6 (4 jeunes font leur service militaire à bord, dont Marc Pajot), et les autres sont des gens qui ont présenté leur candidature ; alors il y a un médecin du sport, un curé qui dirige une école de voile pour des jeunes à Nantes, il y a un architecte, il y a un officier radio qui vient de la Brittany Ferries… C’était hallucinant ! Bilan de l’opération, on finit premier de la deuxième étape… !
Moi j’ai débarqué à la fin de la deuxième étape pour rentrer à Paris pour travailler, mais Éric a descendu son deuxième mât le 29 décembre, juste avant d’arriver à Sydney. Comme je prenais l’avion le 5 ou le 6, il m’a demandé si je pouvais revenir pour la troisième étape.
On est arrivé à Rio 10 jours après le départ de la quatrième étape, qui était en fait une course poursuite !
Bilan, sur Pen Duick 6 j’ai rencontré Bernard Rubinstein – qui était prof de maths – à qui j’ai demandé de faire un reportage pour Neptune sur la dernière étape, et c’est comme ça qu’il est rentré dans le journalisme nautique. Avec Gilles Vaton, Bernard Rubinstein Daniel Gilles, on a discuté avec Éric.. puisque la Clipper Race partait deux ans après la premiere Withbread. On lui a dit “Éric il faut faire un bateau spécifique pour cette course’ donc on a fait dessiner un bateau, on avait quasiment trouvé un sponsor et au dernier moment on s’est retrouvé le bec dans l’eau.
Là on s’est dit ben merde, on va faire la prochaine Withbread avec notre bateau ! On est parti dans une recherche de sponsor qu’on n’a jamais trouvé, on a lancé le dessin chez André Mauric, qui nous a dit ‘bon vous êtes trois de Neptune’ le bateau s’appellera Neptune jusqu’à temps que vous trouviez un nouveau sponsor.
Pourquoi faire compliqué ? Comment se passe la recherche de sponsors ?
On n’a pas trouvé de sponsor, et je suis rentré dans un délire total. J’ai vendu ma maison en Bretagne, ce qui m’a permis d’avoir un tiers de la somme du bateau. J’ai emprunté les deux tiers avec le premier, et j’ai fait construire le bateau ! On était en course poursuite financière permanente et on a mis le bateau à l’eau avec 4 mois de retard, après le 14 Juillet 1977.
On est parti complètement essoré financièrement, sans aucun moyen et on a gagné la coupe Flyer ! C’était la coupe du bateau qui arrivait dans le meilleur état à la fin de la course !
Que s’est-il passé une fois la course terminée ?
Tout le monde est descendu du bateau en me disant merci, je me suis retrouvé avec je ne sais combien de milliers de francs de dette, et j’ai cherché à vendre le bateau immédiatement. Je n’ai réussi à le vendre qu’en 1982 ! Entre temps j’ai monté une école de voile avec, je l’ai loué pour des évènements, j’ai tourné un film avec : Les Quarantièmes rugissants avec Jacques Perrin.
Quand j’ai enfin trouvé un acheteur, j’ai dis « merci seigneur », et là j’ai tout arrêté, je suis retourné dans la photo et dans les convoyages.
Quel est votre lien avec la course aujourd’hui ?
Ce qui m’amuse c’est d’aller sur le site de la Volvo Ocean Race, de voir où en estDongfeng…
Le bateau quittera la Guadeloupe ce mois-ci pour quelques croisières en Méditerranée, avant de participer à la Legends Race le mois prochain. Départ le 21 juin.